Aquarelle et encre de Chine
" Le bacille de la peste ne meurt, ni ne disparaît jamais et peut rester pendant des dizaines d'années endormi dans les meubles et le linge, qu'il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que peut-être le jour viendra où, pour le malheur et l'enseignement des hommes, la peste réveillera ses rats et les enverra mourir dans une cité heureuse. " " Les curieux événements qui font le sujet de cette chronique se sont produits en mille neuf cent quarante...à Oran... " " Imaginez une ville, avec des corbeaux noirs qui virevoltent autour d'une main griffue, tendue vers le ciel au travers duquel passe un serpent de fumées cendrées... "
Le rat se redresse de plus belle, signe pour ses congénères de se regrouper autour de lui et affronte verbalement le médecin : " Ils sont dans le malheur, ils l'ont mérité, ils se sont opposés aux desseins de notre leader et notre peste à nous les fait tomber à genoux et pour longtemps ! Ils seront plongés dans les ténèbres de cette peste au point où les vivants ne suffiront plus à enterrer les morts ! "
Albert Camus a dit : "le monde de l'artiste est celui de la contestation vivante et de la compréhension".
Le mur d'une station de métro qui porte le nom du journaliste et écrivain. L'affiche de la Transatlantique, un paquebot, le nom d'une ville : "Oran". Un graffiti "OAS, Algérie française"... Et un homme, Francis Huster, pour incarner à la perfection ce dit "monde de l'artiste", seul devant ce décor qui transporte le temps, qui raconte une histoire, celle d'un homme incroyable, et celle d'une pièce unique en son genre à l'époque comme aujourd'hui : La Peste.
Si le comédien rend hommage au journaliste, auteur et philosophe depuis 1989, plus que jamais sa manière de raconter à travers différents personnages La Peste, fait r(é)aisonner les propos de Camus.
Plus que jamais, il fait vivre toutes les nuances, les couleurs, les idées et réflexions portées par ce texte.
Plus que jamais, il est cette contestation vivante.
Et, plus que jamais, dans notre monde actuel, il nous la fait comprendre.
Depuis plus de vingt ans, Francis Huster porte le texte de ce récit dans une adaptation aussi originale que singulière, jouant tous les protagonistes avec énergie, condensant l'ouvrage en 1h30, sans une seule goutte d'eau, et rien que cela, ça s'applaudit.
Mieux encore, il parvient avec une réelle intelligence à faire ressortir de tous ses mots le juste portrait d'Albert Camus, à la fois sincère et engagé.
Extraits de la Peste, d'Albert Camus, interprétée ici en 2000 par Francis Huster, au théâtre de La Porte Saint-Martin, à Paris. |