Betti L'HOUR, artiste peintre, MarseilleDepuis plusieurs années, mon travail puise sa matière dans les collectes d'images. De récents voyages en Inde et au Brésil, des déambulations dans les multiples lieux du quotidien avec un appareil photo, me procurent une profusion éclectique de photographies alimentée par le numérique. Cette banque d'images devient un matériau utilisable dans l'expression plastique et offre un jeu surprenant de combinaisons reproductibles, transformables et manipulables. Un élément (ou une image) est prélevé de son contexte initial et replacé dans le champ artistique. Les clichés, saisis au cours d'instants sensibles, attestent la présence du voyageur et révèlent des fragments du réel, de la lumière, de la mémoire. Photos-souvenirs, témoignages d'évènements qui m'ont interpellée deviennent une matière à intégrer et à retraduire dans l'univers poétique de la peinture.
Des chantiers urbains aux paysages de nature, en passant par des portraits et autres sujets de prédilection, les images sont triées, puis retouchées avec un logiciel informatique afin d'opérer des changements de couleurs et d'amorcer, à partir d'une simple prise de vue, une fiction qui suggère une relecture de l'évènement, frôlant parfois l'insolite. Plus artisanale, la mise en oeuvre d'un procédé de transfert permet de recueillir par des applications de résine, une image " sans papier " qui offre l'aspect et la sensation tactile d'une pellicule.
Cette peau imprimée d'encres et de graphismes est marouflée sur la toile ou le panneau dont elle épouse la surface, lisse ou granuleuse selon la préparation du support. Grâce à la transparence inhérente au procédé, les images peuvent être superposées. Elles entrent en relation avec le relief qui les accueille et la peinture avec laquelle elles s'assemblent. La peinture joue alors le rôle de révélateur et de territoire où se situe la scène. Si la couleur participe de la métamorphose tant au niveau de la photo qu'à celui de la peinture, c'est toutefois la peinture qui a le dernier mot et qui en spécifie le vocabulaire plastique.
Le tableau révèle ainsi un " souvenir " mouvant où se mêlent les sphères privé/public, réel/ imaginaire, etc... Dans une sorte de référence au cinéma, il se compose de séquences qui mettent en oeuvre des fragments du registre autobiographique et évoquent la relation au temps qui passe. L'assemblage de photographies figuratives au sein de constructions abstraites ne formule pas l'intention de se couper du réel mais plutôt de se le réapproprier momentanément en lui insufflant une nature poétique et en invitant à regarder la réalité sous un autre angle, à ne pas se limiter à une seule vision. Les extraire de leur histoire, pour les placer dans un autre contexte, sans présumer d'une quelconque hiérarchie de l'une à l'autre, produit un questionnement quant à la " réalité " de leur apparence. Elles sont ramenées à la vie, dans un présent spécialement aménagé pour elles, et pourtant appelées à produire une nouvelle illusion. |