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Artist - Femme - 70 ans
Le thillot (Lorraine), France
Interview d'Annie Tremsal Garillon par Artisteo.com
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Depuis quand créez vous ?

Quatuor à cordes alliance

L'art s'est imposé à moi lorsque j'ai saisi, très jeune (une dizaine d'années) qu'il n'y avait qu'une réalité à vivre, celle du sens du Beau et celle des belles rencontres. Les artistes en particulier, qu'ils soient musiciens ou plasticiens, me fascinaient et nourrissaient en moi ma manière de poser un regard sur le monde qui m'entourait. Intuitivement, le Beau n'a jamais signifié pour moi autre chose que ce qui devait nous être supérieur.

Foisonnant d'idées avec une envie impérieuse de faire, de découvrir, d'expérimenter, et après des études d'art et d'histoire de l'art, j'ai pris peu à peu une place dans la grande famille des artistes non seulement en France mais aussi en Chine et maintenant aux USA.


Quels sont les artistes que vous aimez et dans quelle famille d'artistes vous situez vous ?

Maître Sen à Shanghaï
J'aime toutes les formes d'art pour peu qu'elles répondent aux exigences de l'art comme le dit si bien Kandinsky.
Mélomane et musicienne dans une pratique tout à fait "amateure", ma recherche vers l'image n'est pas si différente de celle d'un compositeur. Rythme et espace y sont essentiels.
Si ma pratique est plutôt abstraite, je ne l'oppose nullement à la figuration. Ma vision des "choses du monde" me conduit à figurer un essentiel qui n'est autre que rythme et silence, geste et nuance, vide et plein. Nul besoin de la représentation pour évoquer d'une manière sobre et puissante, la musicalité du monde.


Salon d'art contemporain de Shanghai
J'aime particulièrement les primitifs italiens et notamment l'école de Sienne et Simone Martini en passant par l'art minimaliste avant l'heure des Cyclades.

De la peinture et de la calligraphie chinoise pour l'art du trait et le souffle qui l'habite, Zhu Ying le maître de Shanghai avec qui j'ai travaillé, Pierre Soulages pour qui j'ai une profonde admiration tant pour l'extrême exigence de son travail sans jamais en sortir que pour la beauté de sa personne, Giacometti à la frontière entre le volume et le trait, Bill Viola, vidéaste américain qui me touche toujours autant que la première fois alors qu'il s'est mis dans les pas de Jérôme Bosch, rappelant alors combien nous ne sommes tous que des maillons d'une grande chaine et famille au service de l'Art. Arvo Pärt, compositeur contemporain, épris de silence.
Et tant d'autres encore...


Avez vous un atelier et comment travaillez vous ?

Atelier Montagne Vosgienne

A mi pente de la montagne douce des Vosges qui culmine à plus de 1000 mètres, mon atelier, spacieux et lumineux est environné de forêts et de grands espaces propices à une recherche plastique méditative.
Je commence la journée par me laisser habiter par le silence de l'atelier, une sorte de rituel dont j'ai besoin et sans quoi rien ne peut se faire.

Ensuite, toujours dans un esprit de mise en "Ecoute et en voir" je travaille à l'encre ou avec des ocres sur de grands papiers qui seront réintroduits dans la peinture ou alors, s'ils offrent peu d'intérêt, seront brûlés. Je ne conserve que ce qui me semble digne d'intérêt plastique et gestuel.

Plusieurs toiles sont en chantier afin d'éviter que je tombe dans l'habitude et plus que le savoir faire, une tentative d'être.
La peinture s'associe à la matière plus essentielle encore.

Dans un souci de complémentarité, je combine la toile blanche à la surface vivante et nuancée de l'acier brut. Je fais face à cette sorte de mariage improbable afin d'en créer une unité et un dialogue. Le dessin et la photo sont très importants dans ma pratique de la peinture. Ils sont une mise en état d'être et de peinture.

Je pratique aussi par période la gravure et le monotype dans un atelier Nancéien. J'y travaille alors sur une ou deux semaines consécutives.
Mon attrait pour le trait, le noir, le blanc et l'or s'exprime dans cette pratique sobre et besogneuse.

La transmission, tant de la pratique de l'image que celle du questionnement de l'artiste sur lui même et sur ce qu'il a de singulier à dire, est importante dans ma vie de peintre. Ainsi, depuis des années, je conduis sous forme de stages courts ou plus longs, des groupes d'artistes professionnels et amateurs vers une pratique personnelle. Le plus souvent, je propose un thème dont l'objectif est de susciter les contraintes nécessaires pour faire jaillir sa créativité.
Les groupes sont d'une douzaine de personnes dans des lieux divers sur deux, trois ou cinq jours.
J'accompagne également des artistes en voie de professionnalisation, d'une manière individuelle afin de les aider à développer une meilleure connaissance d'eux même et de la manière d'exprimer leur sensibilité.
Nous procédons ensemble à une analyse technique de leur travail artistique en vue d'une meilleure autonomie face au marché mutant de l'art en France mais aussi dans le monde.

Mon expérience de plus de quinze années de présence en Chine mais aussi plus récemment aux USA me permets de mieux cerner le nouveau marché mondial de l'art.

Quelle est votre technique et comment a t'elle évolué ?

L'artiste
Si toutefois la technique n'est pas l'essentiel d'une oeuvre, développer un certain savoir faire contribue à sa singularité. Chaque artiste digne de ce nom garde un peu jalousement ce savoir qu'il a acquis à force de travail et de recherche. Il signe en contrepoint avec l'idée que l'oeuvre sous-tend, sa singularité qui pour ma part est le plus souvent proche d'une écriture, tant le trait, signe d'une sensibilité et d'une énergie, en est la vitalité.
La toile vierge et blanche symbolise le vide originel, un commencement où tout est possible.
L'acier brut, lourd, sombre et riche de toutes ses nuances que j'adopte sans toutefois en souligner des effets.
Dans une quête de complémentarité, l'alternance de la toile blanche et l'acier sombre et bleui sont l'intérêt majeur du chemin de peinture que j'entreprends.

L'acier s'est imposé à moi par le plus grand hasard d'une rencontre avec le monde industriel pour lequel j'ai été sollicitée à en donner un regard artistique.
De plus la complémentarité des matériaux s'est imposée comme une évidence, venant exprimer un certain sens philosophique plutôt oriental (le taoïsme) sans toutefois me laisser divertir par son exotisme. Fréquenter la chine et ses artistes a contribué à renforcer ce sens inscrit en moi.

Parlez nous de votre vie d'artiste.

Profondément mélomane et animée d'une nécessité impérieuse d'aller au-delà des apparences, exprimer l'invisible des choses s'est vite imposé à moi. Vivre avec les nomades qu'ils soient du désert ou qu'ils viennent d'Himalaya, a ouvert en moi le sens des grands espaces. Conjuguer à la fois la musicalité de l'espace, l'infini des blancs et le trait, associer des matières différentes telles que l'acier et la toile, l'or et le charbon de bois dans une alternance et une complémentarité quasi monacale, font de mes espaces de peinture, un lieu de langage et de silence. Travailler l'infiniment grand sur des petits espaces et l'infiniment petit sur de très grands formats devient un enjeu expérimental non contradictoire, dans un esprit d'Unité. Sortir d'une pensée dualiste et manichéenne propre à l'occident, pour dire l'essentiel et l'unité des choses est un travail de recherche que je mène en Chine depuis presque 15 années. L'apport de deux cultures tout à fait complémentaires vient combler mon sens minimaliste de l'image. "Dire peu afin d'être plus" dit le poète et ami Charles Juliet.

Quel est votre regard sur l'art d'aujourd'hui et en général que pensez vous de la place de l'art dans la société ?

Dans nos sociétés mutantes en Europe mais aussi aux Etats Unis, l'art se cherche plus que jamais. Redonner à l'art sa part de l'Esprit, sa capacité de penser et surtout intégrer ces notions supérieures de dépassement des artistes me semble de toute urgence. La question de l'art contemporain fait de plus polémique pour des raisons qui ne relèvent pas toujours de l'art proprement dit.
L'art se fréquente, au musée bien sûr mais aussi dans les ateliers d'artistes dont il ne faut pas hésiter à pousser les portes. Ne laissons pas la seule institution décider de ce qui est valable dans l'art contemporain. Les Galeries d'art qui s'investissent auprès des artistes professionnels, sont des lieux où s'expose le meilleur de l'art actuel.

Quelles sont les expositions qui vous ont marquée ?

J'ai vu récemment l'exposition de Bill Viola au grand palais avec la même émotion que la première fois à Londres il y a plus de 10 ans. Et toute à fait dernièrement, à la fondation Beyeler à Riehen près de Bâle, l'exposition de Richter... Une recherche plutôt éclectique d'un grand peintre actuel. Et pour finir la journée, l'exposition de Lee Bae, peintre et plasticien Coréen à la fondation Fernet Branca : Puissant et superbe.
J'ajouterais que tout ce que j'ai vu continue à vivre en moi et rejailli à chaque instant lorsqu'une synchronicité s'opère. De cela, sans cesse je m'en nourris.

Exposition du sénat en juin 2013 Exposition du Sénat Galerie du Tilleul-Entrelacs

Quel serait le plus grand bonheur qui pourrait vous arriver en tant qu'artiste ?

Je n'ai pas pour habitude de me projeter vers un bonheur hypothétique, accueillant pleinement celui qui se présente à moi dans l'instant.

Néanmoins, puisque vous m'y invitez, je déplacerais volontiers mon atelier de la montagne des Vosges, lumineux et spacieux et où le silence est unique, à Paris à proximité des amis artistes avec qui les échanges sont vitaux pour moi.

Et puis, j'aime certains lieux. J'aime m'inscrire dans des espaces atypiques, chargés de temps et d'histoire. J'affectionne particulièrement la grande nef du collège des Bernardins à Paris mais aussi l'ancienne abbaye de Silvacane pour son acoustique et son dépouillement. Sans cesse l'appel des grands espaces...

J'aime aussi la transversalité des arts et travailler avec des amis musiciens me réjouit. J'ai vécu plusieurs expériences dans ce sens.
Un projet de travail en commun avec le compositeur nancéien Frank Natan n'a pu voir le jour manque de lieu et de finances.
Cependant nous nourrissons l'espoir d'y parvenir en France mais aussi en Chine par exemple.

Je serais ravie de recevoir vos impressions, vos remarques et si vous avez le besoin d'évoluer, je serai ravie de vous accueillir dans l'un de nos stages de pratique artistique (documentation sur demande).

Commentaires
MOREAU Martine > Ravie de découvrir, par cet interview d'Artistéo, Annie Tremsal Garillon, et son travail. The 09-07-2014
CALOGERO Pierre > Peintre moi même je partage et je comprends bien ce qu'exprime Annie dans son interview
son travail mérite sans doute plus de reconnaissance;
The 09-08-2014
Expert artisteo > Bravo et merci Annie, pour cette interview riche en informations et pistes de travail: c'est un un bel exemple de ce qui inspire et façonne un artiste sous toutes ses facettes et dans son fonctionnement. The 09-23-2014
COPEL Monique > Je viens de lire votre interview et j'ai été regarder votre travail, félicitions pour votre parcours, , dommage que je sois loin de votre région, j'aurai pu vous rendre visite dans votre atelier vosgiens. Je vous souhaite de réaliser tous vos rêves. The 09-28-2014
Expert artisteo > Annie, va falloir faire une résidence d'atelier chez toi ! The 09-30-2014
TREMSAL GARILLON Annie > Merci les amis.... Votre retour me fait "chaud au coeur". Et pour la résidence d'atelier, c'est une belle idée Brigitte. The 10-03-2014
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