Les oeuvres d'art de So SOAN

Des portraits obsédants par leur présence, des paysages envoûtants par leur évanescence.
L'univers de Soan So, peintre, se dévoile sous le sceau du dualisme et le signe des contraires : on est d'emblée frappé par une forme de classicisme très maîtrisé dans certaines toiles.

Mais très vite, ce jugement se tempère dès que l'on va au delà des images.
Dans les compositions élaborées et riches de références à l'École flamande ou à l'École espagnole, l'attention se focalise alors sur des détails incongrus : coiffes extravagantes, pelisses de fourrure, petites filles parfois inquiétantes.
Ces détails qui n'en sont pas inclinent à une analyse de l'oeuvre en profondeur pour décrypter des rébus et découvrir une autre histoire que celle que paraît raconter une jeune femme hyper douée, passionnée par Rembrandt et Veermer.

Hypnotisée par Rembrandt, elle le scrute à la loupe, avec la patience d'un chercheur, d'un chimiste, transformant son atelier en laboratoire.

Car Soan So est férue d'histoire, de mythologie et de techniques anciennes au point de tout fabriquer et de tout contrôler elle-même : elle élabore son gesso avec de la colle de lapin, son encaustique, elle nourrit sa palette à l'huile de lin pour poser ses pigments.

Soan So maitrise sa "chaine de travail" à la perfection, elle est d'ailleurs diplômée de l'École Boulle - elle dose ses mélanges, utilisant bien sûr des pigments naturels.

Elle aime citer sa grand-mère couturière qui bâtissait, cousait, débâtissait.
Outre la méthode, elle a pris de cette grand-mère le goût des tissus somptueux, de la profusion, du baroque, l'amour des belles matières, éléments qui transparaissent dans certains portraits.

Au fil de ses peintures, les singularités et les récurrences nous éloignent progressivement de la représentation conventionnelle du modèle : Soan So ne peint d'ailleurs que des portraits d'enfants ou des madones, jamais des hommes. Ces enfants qui sont des modèles de proches et ses madones, lunaires ou solaires, semblent habités par des identités plurielles-Encore cette attirance pour les contraires avec lesquels l'artiste jongle subtilement en puisant dans l'allégorie du mythe de la caverne de Platon pour traiter l'ombre et la lumière, ou les portraits du Fayoum pour nous signifier la force du réalisme transfiguré et ses interrogations sur les limites du réel.

D'ailleurs le " décor " de certains portraits est proche du dépouillement monacal : une fenêtre, une pièce vide....
Nous sommes renvoyés à la charge symbolique de l'intériorité, de la mémoire, du cheminement de l'inconscient qui parsème l'oeuvre de l'artiste d'indices, laissant deviner l'autre personne qui est derrière et qui est masquée par le carcan technique.
Tout portrait, pour un artiste n'est-il pas un autoportrait?

Brigitte Camus