Présentation

Les personnages que je sculpte, m'apprennent qui je suis et m'aident à me rappeler ce que j'ai vécu. Ils sont comme de vagues souvenirs, sans visage mais chargés d'émotion, des formes que le temps a rendues floues, tout comme le fait le vent sur les pierres les plus dures.
Les bâtons de craie (utilisés pour écrire sur les tableaux noirs des salles de classes demon enfance) m'ont permis, pour la première fois, de satisfaire mon besoin: sculpter. Les bâtons de craie devenaient de minuscules bustes, la cire qui enveloppait certains fromages était transformée en animal, puis le plâtre, puis la poterie et la céramique que longtemps j'ai pratiquée. C'est à l'occasion d'un tournage au Sénégal, en 1996, que j'assistais pour la 1ere fois à la création d'une sculpture de bronze, dite "à la cire perdue", technique plusieurs fois millénaires. La cire que l'on peut former, déformer à sa guise, l'immédiateté du résultat et l'absence d'outils spécialisés font que je suis fasciné par ce moyen d'expression et je l'adopte aussi tôt ! Et je deviens sculpteur bronzier !

"Ses sculptures n'usurpent pas le titre générique que leur a donné l'artiste : "Personnages". Elles en possèdent, en effet, tous les attributs. Leur singularité qui se révèle sous le masque (persona, en latin, signifie le masque), apparemment inexpressif, ou au contraire finement figuré, révèle leur profonde signification : leur appartenance au monde des humains, monde fragile et prégnant, monde dans lequel le phénomène de l'apparition fait émerger le sens. L'ancrage de ces personnages, surgis dans le "no man's land" de la grisaille de l'ardoise, les charge d'une attraction, d'une tension conflictuelle. Entre la profondeur des entrailles de la terre — auxquelles les rattachent leurs souliers pesants, leurs jambes et leur corps massifs­­, — entrailles qu'ils scrutent comme si elles étaient dépositaires d'un secret qui leur échappe, et un ciel inaccessible vers lequel les têtes graciles, détachées du corps, se tournent parfois, les personnages de Claude Hazanavicius semblent écartelés. Leur place d'autochtones, individus nés de la terre, semble bien fragile et bien souvent ces personnages, à l'instar Œdipe, fils d'une lignée de boîteux, paraissent en équilibre instable sur terre. Ils paraissent déplacés : entre deux voyages, deux exils, deux attentes."
Jean Caune